La découpe du geste. Manuels occidentaux d’étiquette chinoise au tournant du XXe siècle
À partir d’un corpus de manuels occidentaux d’étiquette chinoise publiés en Chine au tournant du xxe siècle, principalement au sein des milieux missionnaires protestants et, de façon plus marginale, dans les missions catholiques et les milieux diplomatiques, cet article explore le statut à accorder aux gestes que ces textes décrivent et décomposent. En articulant l’histoire pluriséculaire de la ritualisation des corps en Chine à laquelle ils s’adossent, celle des imaginaires occidentaux qui entourent l’étiquette chinoise à partir du xviiie siècle et celle des enjeux pratiques qui déterminent, au xixe siècle, sociétés missionnaires et services diplomatiques à imposer sa maîtrise aux agents qu’ils déploient en Chine, il s’agit de mettre au jour la triple logique déterminant la découpe des gestes qu’opèrent ces manuels. Les gestes de l’étiquette chinoise doivent leur évidence comme gestes à l’importance qu’ils endossent au sein de la littérature ritualiste chinoise, à la conviction occidentale, alimentée par une sinophobie croissante, selon laquelle les populations chinoises, soumises à une étiquette tyrannique, exécuteraient consciemment le moindre geste, dans une mise en scène de chaque instant, autant qu’au laborieux travail sur soi auxquels se livrent en Chine missionnaires et diplomates. À partir de cette étude de cas, il s’agit surtout de nourrir l’histoire des gestes d’une réflexion sur ce qu’il est possible de tirer des sources sur lesquelles elle se construit.
Mots-clés
- gestes
- étiquette
- Chine
- incorporation
- missionnaires
- diplomates