Comment les huguenots sont devenus blancs : confession et race dans la fabrique des sociétés esclavagistes de la Caraïbe française (1635-1715)
Dès 1685, l’édit de Fontainebleau et l’obligation d’abjurer imposée aux protestants de la Caraïbe française conduisent un certain nombre d’entre eux à trouver refuge dans les colonies anglaises, hollandaises ou danoises voisines. Alors que la diaspora protestante, accusée de rompre l’unité religieuse et de corrompre les esclaves, était depuis 1674 la cible de mesures répressives, ces départs incitent pourtant la métropole à l’accommodement. Ce tournant politique distingue singulièrement les colonies de la Caraïbe de celle de la Nouvelle-France et de la métropole. À tel point qu’en 1686, 400 huguenots sont déportés du royaume de France vers la Caraïbe dans l’espoir qu’ils y deviennent planteurs. Cet article interroge les raisons de ce revirement à l’aune des recompositions des sociétés esclavagistes de la Caraïbe française dans le dernier tiers du xviie siècle. L’essor conjoint de la traite transatlantique et du complexe de la plantation sucrière a creusé un déséquilibre démographique entre les populations blanche et noire qui inquiète les autorités. Dans ce cadre, la présence des protestants, qui constituent une minorité confessionnelle mais ont acquis un rôle socio-économique important parmi les planteurs, devient cruciale pour le peuplement blanc et le développement de l’économie de plantation. L’évolution du traitement réservé à cette diaspora montre que la confession religieuse, pourtant primordiale à l’origine, cesse d’être un critère d’inclusion ou d’exclusion au sein de ces sociétés coloniales et esclavagistes au profit de distinctions économiques et raciales qui construisent la blanchité comme marque par excellence de la domination.
Mots-clés
- Caraïbe française
- xviie siècle
- société esclavagiste
- protestants
- race
- confession