Une affaire de familles. Le Mouvement national algérien (MNA) et son organisation durant la guerre d’indépendance algérienne en France
La guerre d’indépendance algérienne s’est doublée, en France métropolitaine, d’une guerre fratricide de longue durée (1956-1962) et de haute intensité (près de 4000 morts) opposant deux groupes rivaux, le Front de libération nationale (FLN) et le Mouvement national algérien (MNA). Vaincu par son rival, le MNA a été ostracisé politiquement et marginalisé scientifiquement. En se concentrant non sur sa défaite mais sur sa capacité de résistance, cet article montre comment ce mouvement a su transformer la cellule familiale en bastion politique et guerrier. À partir d’une enquête de terrain conduite à Lyon, d’une analyse exhaustive des enquêtes de police judiciaire rassemblées par le ministère de l’Intérieur de 1958 à 1962, ainsi que de sources ponctuelles (dossiers de renseignements généraux, presse), il souligne l’enracinement des familles messalistes en France, leur fidélité à Messali Hadj et, surtout, une organisation obsidionale permettant de compenser la mise en minorité : les familles se rassemblent dans des immeubles transformés en forteresses où tous les membres sont mobilisés, et la guerre du MNA en France devient une affaire de familles dans laquelle les femmes renforcent les liens affectifs par des liens politiques. Cette organisation familiale et genrée constitue la force et la faiblesse du mouvement puisque les attentats ciblent les messalistes en leur cœur (femmes, enfants). Il en résulte une violence politique difficilement classable et une issue ambivalente qui place ces familles à la fois du mauvais côté (le FLN l’emporte) et du bon côté (l’indépendance est acquise) de l’histoire. Finalement, l’étude des messalistes en France est celle d’une communauté d’expérience ne débouchant pas, à l’instar d’autres groupes engagés dans la guerre d’Algérie, sur une communauté mémorielle.
Mots-cles
- Guerre d’Algérie
- France
- MNA
- violence politique
- guerre civile