L’étrange bataille de Souk al-Gharb : de l’expérience combattante à la mémoire de la guerre civile dans l’armée libanaise
Au mois de septembre 1983, l’armée libanaise accomplit, dans la localité de Souk al-Gharb,
son premier baptême du feu d’envergure depuis le début de la guerre civile au Liban, huit ans
auparavant. Surprenante pour les contemporains, la performance de la troupe fut aussitôt utilisée par le pouvoir libanais afin de se présenter comme le défenseur de l’unité nationale face aux
agressions étrangères. Pourtant, la bataille de Souk al-Gharb est aujourd’hui tombée dans l’oubli,
quand ses protagonistes se divisent autour de son souvenir. En se fondant sur cette expérience
combattante inédite, l’article examine le fonctionnement de l’armée libanaise dans le contexte
de la guerre civile. Grâce à une vaste enquête orale menée auprès des vétérans, il met au jour les
éléments de cohésion des unités combattantes, tout en nuançant la lecture confessionnelle qui
sert souvent à expliquer les trajectoires des militaires au cours du conflit.
La bataille de Souk al-Gharb ouvre ainsi l’histoire de la guerre du Liban à celle des grands
conflits modernes, confinée d’ordinaire au cadre occidental. Elle prête aussi à une réflexion sur
la place de la guerre civile dans la mémoire de l’institution militaire et de son personnel. Dans
les usages mémoriels de la bataille ou leur absence, se lisent les failles d’une société divisée et son
rapport problématique au passé.
Mots-clés
- XXe siècle
- guerre civile
- mémoire
- Liban
- armée
- confessionnalisme