Servitude et droits de transmission. La condition des galériens de Louis XIV
Le paradigme transatlantique et la définition du royaume de France comme « terre de liberté » ont participé à construire l’esclavage comme une réalité par nature exogène au territoire métropolitain. À partir du cas des galères de Louis XIV, cet article entend montrer que la servitude fut une réalité massive dans les ports d’attache de ces navires-prisons. Il considère tout d’abord les conditions juridiques et spatiales qui autorisent ce corps de la marine de guerre à produire la déchéance sociopolitique de ses rameurs, réduits à une condition commune d’asservissement. Récusant l’idée d’une définition universelle de l’esclavage, il cherche ensuite à décrire les divers registres de pratiques mobilisés par les galériens pour revendiquer des droits (au travail et à un meilleur traitement notamment), et en particulier celui de transmettre leurs biens. Les galériens étant « morts civilement », ils sont en effet privés de ce droit fondamental des citoyens d’Ancien Régime, et donc théoriquement dans l’incapacité de rédiger un testament et de léguer l’argent et les biens parfois accumulés. Pourtant, tant les legs effectivement réalisés que les négociations engagées avec l’administration royale parviennent dans certains cas à trouver une légitimité et ainsi à déplacer les règles et les hiérarchies qui organisent la chiourme.
Mots-clés
- esclavage
- servitude
- droits de transmission
- citoyenneté
- Louis XIV
- galères