Postuler un emploi auprès du commissariat général aux Questions juives (1941-1944). Antisémitisme d’État et crise de recrutement dans la fonction publique des années noires
Administration d’exception créée par Vichy en mars 1941, le commissariat général aux
Questions juives (CGQJ) est à la fois une institution politique et un organisme technique, chargé
d’administrer la politique de spoliation sur l’ensemble du territoire. Jusqu’à la Libération, environ
2500 individus ont été salariés par le CGQJ. À quelles formes rhétoriques recourt-on lorsque
l’on postule auprès d’une telle administration, dont la mission est connotée de manière aussi
évidente ? Dans quelle mesure une telle démarche obéit-elle à un choix motivé ? L’examen des
2243 dossiers de carrière et de 288 lettres de candidature conservées, complété par des entretiens
avec huit anciens agents, permet d’analyser au plus près les diverses modalités d’entrée au CGQJ.
Dans un premier temps, le commissariat bénéficie d’un contexte et d’une latitude d’action
budgétaire relativement favorables lui permettant de sélectionner au mieux son personnel, dont
une partie importante est recrutée dans des réseaux de « confiance ». Mais durant les deux dernières
années de l’occupation, le CGQJ subit une crise de recrutement généralisée : ne postulent et ne
sont recrutés que ceux, aiguillés par des bureaux de placement, qui n’ont pas d’autre choix. Cette
crise touche l’ensemble des services de l’administration, en particulier les organes répressifs, et la
période de Vichy se caractérise par la coexistence entre un gonflement des effectifs de la fonction
publique et une profonde crise de recrutement, qui se traduit mécaniquement par une baisse de
la valeur des personnels embauchés.
Mots-clés
- France
- XXe siècle
- Vichy
- histoire de l’administration
- marché de l’emploi
- commissariat général aux Questions juives