Charité et communauté diasporique dans l'Europe des XVIe-XVIIIe siècles
Cet article se propose d’analyser la dimension socialement performative de la charité en contexte diasporique, chez des populations qui, au-delà de leurs différences de foi, ont en partage un exil pour « fait de religion » entre le XVIe et le XVIIIe siècle : les huguenots, après la révocation de l’édit de Nantes (1685), les judéoconvers, descendants des séfarades convertis dans les années 1490, qui ont fui la péninsule Ibérique à partir du XVIe siècle, les morisques expulsés d’Espagne en 1609-1614, les catholiques partis d’Angleterre après l’instauration de l’anglicanisme (1560- 1570), et les jacobites qui ont quitté les îles britanniques après la Glorieuse Révolution (1688). Les pratiques d’assistance permettent d’agréger et d’articuler des populations éminemment mobiles qui manifestent en outre une forte hétérogénéité socio-économique, politique et même religieuse. La charité tente d’assurer la cohésion du groupe par ses marges, en dépit des discontinuités liées à la diversité des sociétés d’accueil et aux formes de clandestinité qu’elles imposent. Elle structure le collectif en corps, en communauté morale qui inclut vivants et morts, tout en l’amenant à « faire lieu », à se doter d’un territoire propre aux différentes échelles. Lorsque la répression décroît, la bienfaisance jette les bases de l’institutionnalisation des communautés locales, les légitimant face au reste de la diaspora, et renforce les liens entre les diverses implantations. Elle participe enfin du destin messianique des communautés croyantes que prétendent former ces diasporas.
MOTS-CLÉS
- Europe
- XVI e-XVIIIe siècles
- charité
- bienfaisance
- diasporas
- territoire ■