Explorer le champ des possibles. Approches contrefactuelles et futurs non advenus en histoire
L’histoire contrefactuelle – « que se serait-il passé si ? » – connaît actuellement un certain engouement éditorial et a fait l’objet dans les pays anglophones d’un vigoureux débat il y a une dizaine d’années, qui s’est achevé sur un consensus prudent. Pourtant, loin de ces usages polémiques dont les raisons sont explorées ici, un examen plus serré suggère, comme l’avait déjà identifié Max Weber, qu’il s’agit aussi d’un mode plus ordinaire du raisonnement, notamment en sciences sociales. La question n’est donc pas de savoir s’il faut promouvoir ou rejeter cette démarche, mais plutôt, à partir d’une lecture interdisciplinaire, de détecter les enjeux, risques et propositions que recouvre son explicitation. Trois aspects sont analysés ici : le rapport histoire/ fiction, le poids du déterminisme et de la causalité, les implications politiques d’une attention aux futurs non advenus. À partir du constat des tensions que fait saillir l’examen contrefactuel, l’article reprend ensuite de manière détaillée la critique de divers usages courants, et propose d’autres manières de faire qui semblent plus pertinentes, certaines évidentes, d’autres expérimentales, dans le but d’enrichir la boîte à outils historienne. Favorisant, ainsi, la relecture des sources, le rejet de la téléologie, l’analyse de moments critiques, l’élaboration de conceptions plus fines et discontinues des temporalités, et la mise en œuvre d’exercices pédagogiques et ludiques, la démarche contrefactuelle permet surtout au chercheur d’appréhender la question essentielle, mais délicate, des possibles en histoire.
MOTS-CLÉS
- Historiographie
- XXe siècle
- fiction
- causalité
- usages politiques du passé