Sénégal 1968 : révolte étudiante et grève générale
Cet article propose une lecture comparatiste et connectée des événements qui eurent lieu au Sénégal en mai 1968 : grève étudiante et grève générale des travailleurs, qui firent vaciller le pouvoir du Président Senghor. Il instruit la comparaison des mouvements sénégalais et français, en pointant les similitudes. Celles-ci sont explicables par les liens juridiques existant alors entre l’ancienne métropole et l’ancienne colonie – les accords de coopération. Les deux systèmes universitaires sont identiques, les élites des deux pays ont bien souvent de semblables trajectoires. Les enseignants à l’université de Dakar sont majoritairement français. Des étudiants africains étudient en France et des étudiants français à Dakar. Les circulations des personnes et des savoirs sont multiples. Nous ne négligeons pas pour autant un contexte africain où le parti unique devient la règle, malgré les résistances d’étudiants et de syndicalistes soucieux de conserver une autonomie. D’autres révoltes de la jeunesse et des travailleurs ont déjà eu lieu comme au Congo-Brazzaville en 1963, ou vont avoir lieu, comme à Madagascar en 1972. Enfin, cet article inscrit le mouvement dakarois dans le contexte mondial de révolte de la jeunesse, de révolte d’une génération étudiante qui connaît la massification des universités, s’insurge contre les avatars du néo-colonialisme et/ou de l’impérialisme et qui, de Paris à Mexico en passant par Berkeley ou Berlin, a les mêmes mots d’ordre, les mêmes icônes et, selon diverses modalités, les mêmes combats. On souhaite ainsi réparer une des lacunes de l’historiographie des « années 1968 », où l’Afrique fait encore figure de parent pauvre, alors qu’elle est, tout autant que les autres continents, le terrain de ce qui est le premier et à ce jour le dernier mouvement social mondial en date.
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