Les voies enchevêtrées de la mobilisation politique : l'échec de la révolte anti-montagnarde dans un département modéré (juin 1793)
À l’instar de la majorité des départements du Bassin parisien politiquement acquis aux modérés, l’Aisne présentait toutes les caractéristiques pour basculer dans l’insurrection anti-montagnarde de juin 1793. Pourtant elle a maintenu sa fidélité au nouveau pouvoir issu du coup de force des militants sectionnaires parisiens. Cette prise de position, pour surprenante qu’elle soit, ne saurait traduire une quelconque apathie de la vie politique dans ce département rural et encore moins l’absence d’initiatives en faveur de l’insurrection. Au contraire, l’échec des insurgés est à porter au crédit de processus de politisation territorialement diversifiés, où interviennent tantôt des conflits sociaux, comme au sein de cet épicentre de la rébellion qu’est la ville de Saint-Quentin, tantôt des antagonismes politiques à front renversé entre la ville et sa campagne. Enfin, en offrant l’opportunité de contester les hiérarchies territoriales et administratives établies en 1789-1790, la crise politique nationale de juin 1793 catalyse les rivalités urbaines, et relance un processus de politisation original où enjeux nationaux et locaux interfèrent constamment. La surenchère de gages de fidélité offerts au nouveau pouvoir central par des pouvoirs locaux rivaux facilite la mise en échec de l’insurrection. Mais elle fragilise dans le même temps les pratiques de gouvernement par compromis mis en œuvre par l’administration départementale pour sortir avec succès de la crise politique.
MOTS-CLÉS
- Picardie
- Révolution française
- crise fédéraliste
- politisation
- État
- pouvoirs locaux