L'enregistrement des occupations à l'épreuve du genre : Toulouse, vers 1770-1821
L’analyse du processus au cours duquel le travail s’impose comme catégorie homogène et essentielle d’appréhension de la société conduit à revisiter les sources les plus classiques de l’histoire sociale. L’enregistrement des occupations peut être vu non seulement comme un reflet plus ou moins déformé des réalités sociales, mais également comme une donnée essentielle de l’individuation. Dans une démarche qui vise plus à éclairer le singulier qu’à restituer une totalité, l’attention se porte nécessairement sur la place et la visibilité des femmes dans les dispositifs d’identification et de recensement. La documentation fiscale et corporative d’Ancien Régime permet de mettre en évidence l’omniprésence en milieu urbain d’une domesticité majoritairement féminine, ainsi que la pluralité des positions professionnelles possibles, non seulement pour les veuves, mais encore pour certaines femmes mariées, en dépit de la persistance d’une appréhension essentiellement communautaire de la société à la fin du XVIIIe siècle. Ce qui s’observe à Toulouse confirme les apports de l’historiographie récente à propos de l’autonomie relative du travail féminin. L’essentiel est cependant d’envisager en quoi les dispositifs systématisés de recensement institués après la Révolution modifient la perception des identités professionnelles féminines. Il semble alors se dessiner l’ébauche d’une sphère professionnelle féminine où un service domestique désormais féminisé et encore très présent côtoie un monde proliférant de couturières et de blanchisseuses, alors même que la plupart des métiers restent l’apanage des hommes. Pour autant,tout en singularisant les femmes,l’occupation devient pour elles à partir du XIXe siècle un vecteur de reconnaissance sociale hors du champ familial et de la clôture conventuelle où la société traditionnelle les tenait confinées.